Arrête
Ne cherche plus la femme
Perds la, encore, encore
Qui ?
Tu ne sais même plus
Lâche, lâche
Fais ton deuil.
Ça veut dire quoi ?
Fais les tous!
Mais surtout, fais le deuil de toi.
Creuse ton trou
Cesse de penser aux siens
La plaie d'un arrachement
Survenu trop tôt
Des lèvres rougies qui s'entrouvrent
Si tout est éphémère,
Qu'est ce que ça peut foutre?
Pourquoi tu t'accroches ?
Pourquoi toutes ces formes?
Rien que des archétypes
Volés aux vieux films que tu as vu,
Et à tous ceux que tu te racontes
Le dernier cinéma de Bardo City
Devra bien fermer ses mortes
Le générique défile
Tu ne te souviens plus de ton nom
Tu faisais quoi ?
Tu te prends encore pour le héros ?
Les lettres ne veulent plus rien dire,
Plus que des signes,
Des formes,
Toutes ces formes,
tu voudrais y replonger
Une dernière fois
Il n'y a jamais que des dernières fois,
C'est juste qu'on ne le sais pas encore
Toujours trop tard.
L'ego éclaté, une balle dans le crâne,
Ne reste plus rien,
Rien que des personnages
Et tu ne sais même plus lequel tu es
Un à un les photogrammes défilent
Tu t'emmêles les bobines,
Les plans se sur-impriment
À Bardo City, la confusion règne
Le casting saute
D'une scène à l'autre,
Les rôles permutent,
Tu deviens elle
Mais as tu déjà été autre chose ?
Tu te cherches,
En panique, à travers ces photos,
Tout ce qu'il te reste,
Tout ce que tu es
Un cliché,
Un polaroid brûlé
Par le mégot d'une cigarette
Tâchée de rouge à lèvres
Tu vas encore vouloir la chercher
Lâche.
Tu as tout foiré à coups de fête
À coup de sang, à foutre la foire
Faudra bien boucler cette histoire
Mais quand les boucles
Sont des loopings
Et que le rollercoaster
N'est plus qu'une longue descente
Tu t'accroches tu accroches
Lève les bras
Qu'ils s'arrachent ils s'arrachent !
L'estomac dans le crâne
La gerbe cérébrale
Bien secouer
Sinon le pus il reste en bas
Presse draine vide toi
Frotte racle décape
Déraille des rails déraille
Autant de traces
Pour te défaire des siennes
Et du souvenir de cette grande roue
Qui te broie.
Coincé dans l'état intermédiaire
Tu glisses dans Bardo City
Dans ton véhicule de diamant
Qui crache ses gaz noirs
Et vrombit sous ton sexe trop accroché
Les rues de Bardo City défilent,
Le devenir et le passé,
Les ombres multicolores s'évaporent,
Pas encore tout à fait incarnées,
Tandis que des lignes urbaines
Tentent de les saisir et les fixer
Sans jamais y parvenir tout à fait
Des cages, des parloirs, des vitrines,
Des caves, des comptoirs, un drive in.
Le téléphone que tu décroches
-Pour appeler... qui ?-
A le même goût de métal
Que ton flingue.
Tu le portes à la bouche
Lâche, lâche.
Tu devras aller jusqu'au bout
Le canon sur ta langue
Tu ne peux même pas tirer
Pas de raccourci
À Bardo city.
Tu as deja pris bien assez de contre-sens
Impasses et cul-de-sacs
Repasse encore sur la même highway, Dans la même ruelle crasseuse
Tu es déjà venu hier toi, non ?
Interroge cette serveuse,
Le témoin, l'accusé
Est-ce encore toi ? Qui ?
Qui est la victime ?
Et de quel crime au juste ?
Un pourri te montre
Les photos des suspects
Lequel tu es ?
Tu enquêtes sur ta propre mort
Et les crimes que tu as commis
Ton casier, ton karma
Aussi lourd que ce corps
Aux pieds bétonnés
Et qui gît
Au fond de la rivière
Qui barre
Bardo City
Une balafre
Un sourire
Sur la table d'autopsie
C'est l'heure des comptes.
Le Boss attend de toi...
Quoi au juste ?
Tu ne connais pas les termes du contrat
Qui vous lie
Libère toi, oublie, fuis
Tourne tourne et brise le cercle
En espérant que la spirale
Ne se fasse pas siphon
Des surimpression de ville en lambeaux
Qui attrapent des êtres de fumée.
Elle danse dans le feu
Son ombre découpe les buildings
Est-ce que c'est toi ?
Des souvenirs écrans qu'on se projette,
Les volutes bleues captées
Par le faisceaux de lumière mouvante
La bobine craque et se tend
Des personnages,
Des types, des femmes,
Des putes, des macs,
Le commanditaire de tout ce bordel,
L'adversaire
Un boxer contraint de se coucher
Et qui se révolte
L'ego qui sursaute
Tu crois encore que toute cette histoire
Est orchestrée par un architecte malicieux ?
L'adversaire ne joue plus
Tout se perd
Lâche
C'est le dernier round
Ne cherche plus
Tu cherchais quoi de toutes manières, hein ?
Il n'y a ici que des esprits
Plein de vices et de ruses
Qui tentent de te faire dévier,
Te faire croire qu'ils sont en charge
Du bon déroulement des opérations
Rien qu'un chirurgien pour rafistoler
La plaie ouverte laissée par cette fille
Cette perte que tu n'as qu'entraperçue
Et que tu as encombré de tous tes rêves
Laisse la partir elle aussi
La sirène lui chante déjà une thrène
Et les cuivres pleurent.
Elle n'existe pas,
Pas plus que toi,
Ce n'est que toi,
Que toi que tu cherches,
Abandonne ton putain d'ego
Et passe de l'autre côté
Efface efface lâche
Oublie et ne regrette rien,
Tu feras peut-être mieux
La prochaine fois.
Et si tu as besoin de t’ensevelir
Sous la crasse de son sang
L'ecchymose ou la plaie
La merde et le fiel
Vas-y vas-y vas-y
Mais lâche lâche lâche
Comme je le fis
comme je le fus
Sûrement,
Parfois.
Bonne chance
Pour sortir
De Bardo City.
Moi,
Je n'ai jamais
Réussi.